dimanche 12 avril 2015

Maxime Decourt "L'identité juive à l'épreuve de la littérature" partie 2

Maxime Decourt "L'identité juive à l'épreuve de la littérature" - Partie 1

jeudi 9 avril 2015

Pierre Macherey – Entre clivages et tissages disciplinaires. Conférence du 28 mars 2015 - Médiathèque de Lille



« Le tissage : origine du mot texte. »
 Raphaël Enthoven 1*

Pierre Macherey - Médiathèque du Vieux Lille - Rencontres Lille 3
28-03-15

Une discipline  n’est-elle rien d’autre que l’expression d’elle-même, c’est-à-dire une entité à part entière, s’étudiant de manière détachée, pointue, autonome, particulière ou est-elle l’expression singulière d’un tout complexe dont le tissu à fibre multiple est à étudier dans toute la complexité des hybridations, croisements, mélanges, tissages pluriels ?

Pierre Macherey dans un livre merveilleusement écrit consacré à Proust, prend cette « métaphore du miroir brisé, en vue de mettre en valeur cette fonction critique, démystificatrice de la littérature qui, dans des conditions déterminées, produit, non des œuvres belles en raison de la conformité qu’elles entretiennent avec des modèles donnés, mais de l’écart, de la distance, du jeu, ce qui l’installe dans un rapport de contestation au donné et à ses représentations dont elle remet en cause le bien-fondé, et, par là même, lui confère à leur égard un rôle d’élucidation. » 2 * p 18.

N’est-ce point – effectivement - en s’ouvrant sur des pages littéraires à ciel multiple  telles que celles écrites par Marcel Proust, Romain Gary ou même du Jules Verne que la discipline philosophique dépassera les  frontières du singulier ? Accroîtra  

Bien évidemment, la question des clivages disciplinaire mérite d’être posée. 

D’abord, en ce que – comme  nous indique fort justement Pierre Macherey, dans une rencontre de Citéphilo consacrée à Proust « Il y a des cas où ça ne fonctionne pas ». Effectivement, poursuit ce dernier « Entre littérature et philosophie », de la 6ème à la terminale, Montaigne, Pascal, Voltaire changent de statut. Une fois mis au rang de la philosophie. Une fois mis au rang des lettres. 3*

Ensuite, en raison des rapports engendrés par ce clivage sur les perceptions – relations - approches des savoirs.  Ainsi, entre une discipline vue en tant qu’étude approfondie, singulière, cloisonnée et l’idée de cette même entité mais cette fois étudiée en association à d’autres – un enseignement fait de liens, croisements, métissages - les concepts d’apprentissages sont-ils totalement différents, voire opposés. 

« J’ai passé ma carrière [parcours] à être incommodé par cette distinction. C’est pénible et dérangeant. J’essaye de colmater la brèche. » nous révèle avec une délicate sincérité Pierre Macherey 3*.

Développements...  

« Il m’a toujours semblé - nous confie le philosophe lors de sa conférence  « Proust, entre littérature et philosophie », du 28 mars 2015, 4* - que littérature et philosophie n’étaient pas séparées. »  . 
« La littérature est un bon terrain, espace, où on peut investir des préoccupations philosophiques.   

Jusqu’au milieu du 19ème siècle l’enseignement était commun.
Sous le second empire, qu’on a introduit dans l’organigramme ce qu’on appelle « La bifurcation ». C’était un moment capital, c’est le moment où on a choisi de faire soit des lettres, soit des sciences.
La question s’est posée de savoir où la philosophie allait se trouver… De fait elle a basculé du côté des lettres. De l’enseignement littéraire… Ce qui est assez extraordinaire car enfin Platon, Aristote, Descartes, Leibniz… étaient des gens qui non seulement s’intéressaient aux sciences mais ont joué un rôle non négligeable, à leur époque, dans le développement du savoir scientifique. Pour eux philosopher et développer des sciences était complètement lié. 
En France la philosophie est tombée du côté des lettres…
Dans les pays anglo-saxons il n’en va pas du tout de la même façon. Maintenant ça s’est compliqué avec ce que l’on appelle « la philosophie analytique ».
La philosophie analytique a des bases se trouvent dans la logique, dans la logique mathématique. C’est des modes de raisonnement  savants et scientifiques

En Amérique, dans les universités dans les départements de philosophie, on s’occupe de choses qui ne sont pas littéraires du tout.
Au point que… Quand les Américains se sont intéressés à la philosophie continentale… 
Jacques Derrida, ce n’est pas dans les départements de philosophie qu’il est allé mais dans les départements d’humanité, c’est-à-dire de littérature. 
Les systèmes d’enseignement, tels qu’ils se sont mis en place, les deux siècles précédents, pour des raisons administratives, pour des raisons pragmatiques, pour que ça marche, pour que les gens s’y retrouvent…  ont introduit des clivages qui empêchent ces communications de fonctionner. C’est regrettable. Moi, personnellement, je le regrette.» 4*


Pierre Macherey- 
Peut-on faire de la philosophie avec du roman -28-03-15

Effectivement, n’est-ce point trempée de cet air inspiré par les anciens, - « Le « Nouveau Monde » n’a de sens qu’en référence à l’Ancien » 5* nous dit Hannah Arendt – n’est-ce pas en liant les disciplines, en croisant les idées  jusqu’à l’asphyxie que les nouveautés émergeront ? N'est-ce point par les associations surprenantes, le rapprochement de l'improbable,  le métissage original, les associations exotiques que les  innovations à la finesse d’un cil balayeront les idées ordinaires,  encreront l’horizon des habitudes, laveront les pensées toutes faites au javel de l’inattendu ?  

Le savoir effectivement - est «  un  ensemble de stratégies pour donner sens au monde qui nous entoure. » nous dit Christian Jacob dans une conférence de Citephilo. « Dans ce processus, ce qui est intéressant, est moins le résultat - ce qui a été trouvé - donc mais l’ensemble des opérations pour y arriver. » 6*

Le mathématicien Cédric Villani, médaillé Fields, équivalent du Nobel des mathématiques 7* quant à lui, construit des ponts entre les disciplines, élabore des trajets intellectuels situés entre désir de recherche et jouissance de découverte. Montons dans ce TGV à grande démonstration menant aux idées. 
Evocation des gares à traverser :

1 – « Nourrir le cerveau ». La documentation. 
2 – La motivation ; butinez ! 
3 - Un environnement propice,  favoriser les rencontres stimulantes.
4 – Les échanges ; collaborez, échangez ! 
5 – Les contraintes ; osez  "l'audace savante". 
6 – Travail et intuition.
7 – Persévérance et chance

N’est-ce pas les disciplines une fois étudiées, récupérées, n’est-ce pas une fois les savoirs assimilés que les idées fourmillent ?

Pierre Macherey poursuit : « Ces étiquettes [littérature et philosophie] n’ont de valeur que purement circonstancielles. Si on regarde par derrière, on voit que tout cela communique… Alors attention, ça communique, ça ne veut pas dire que cela se confond.  

C’est une promenade. »

       Osons donc, la promenade savante, cheminons de droites, de courbes et de traverses.



Avec Slow Classes - L'école prend-elle trop de place ?




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1* « Le tissage : origine du mot texte. » Raphaël Enthoven – Edgar Morin – Nouveaux chemins de la connaissance-  La pensée complexe 1


2* Pierre Macherey – Philosopher avec la littérature – Exercices de philosophie littéraire – Essais Hermann
P 23 : Il y aurait donc une philosophie propre à la littérature, que j’ai proposé d’appeler « philosophie littéraire », moins pour la présenter en alternative à un autre type de pratique de la philosophie qui va chercher ses références du côté des sciences, que pour essayer de faire apparaître ce qui la décale par rapport à celle des philosophes en titre

3 * » « Peut-on faire de la philosophie avec du roman ? » Pierre Macherey Gérard Engrand – Citéphilo 20/11/2013  - 17h00 à 19h00

4 * Pierre Macherey – « Proust, entre littérature et philosophie » -  Médiathèque de Lille – 28 mars 2015
J’ai soutenu une thèse sous l’intitulé « A quoi pense la littérature ? », je n’étais pas très pris au sérieux par la corporation, par l’environnement. Je faisais des choses distrayantes pour amuser les étudiants mais qui éludaient les vrais problèmes philosophiques de fond.

Dans les vrais départements de philosophie, on se pose des questions comme «Est-ce que le café est sucré dans ma tasse ou dans ma bouche ? »

La littérature « oblige » à philosopher. 
Exercice de philosophie littéraire. « Je n’aime pas les idées générales, je les redoute. »

http://www.citephilo.org/actu/samedi-28-mars-2015-dans-le-cadre-des-rencontres-lille-3

5* La crise de l’éducation – Hannah Arendt –  Folio plus –philosophie p 13
978-2-07-034282-2

6* Les mains de l’intellect – volume 2 – les lieux de savoir (Albin Michel) – Conférence Citephilo du 23/11/11

http://www.anhima.fr/spip.php?article106