dimanche 4 octobre 2015

Sommes-nous tous "snobs" ? Adèle Van Reeth rencontre avec les Mardis de la philosophie à Bruxelles

« questionner ce qui est déjà connu et …
découvrir ce qui ne l’est pas encore. » 1 *
Adèle Van Reeth
 Raphaël Enthoven
 Le snobisme

 Merci aux accords gracieux d'Adèle Van Reeth
et des mardis de la philo.



Adèle Van Reeth aux Mardis de la philosophie
Bruxelles - Cercle Gaulois le 17-09-15
Photo : Virginie Le Chêne parlant

« Lever le voile d’illusion qui nous empêche de voir, pour mieux l’accepter. »
Adèle Van Reeth


A première vue, le snobisme semble un sujet dénué d’intérêt, frivole, léger, creux, inconsistant.
Sa seule évocation fait sourire. Sûrs de ne pas en être, nous voici haussant les épaules d’un air entendu. Quelle question ? …  Fariboles. En voilà des idioties !

Et pourtant,  à bien y réfléchir, ne balayons-nous pas le snobisme d’un revers d’arrogance ?  Bardés de certitudes, ne passons-nous pas à côté du banal - donc de l’essentiel ? Tout ce qui semble plat, usuel, ne contient-il pas des myriades de merveilles ?  

Au vrai, l’extraordinaire nait souvent de l’imprévisible. Telle la surface d’un lac cache des mondes inconcevables, l’improbable végétal émerge à la surface du médiocre. C’est que la fermentation n’a nul besoin d’un tonneau précis afin d’entrer en ébullition : le remarquable prolifère à même l’ordinaire. Notre quotidien renferme des pépites d’étonnement.

Au reste, pour ceux qui ne seraient pas encore convaincus, la philosophe Adèle Van Reeth déclenche le « détecteur de snobisme ».

Pas sûr que nous en sortions indemnes…

D’après Bergson, rappelle cette dernière, on ne voit pas les choses elles-mêmes mais les étiquettes qu’on a posées sur elles.
Nous fonctionnons par étiquettes. Loin d’être négatif, raisonner par étiquette est une nécessité. La condition sine qua non permettant d’activer la pensée. « L’enjeu est vital nous dit Bergson ». Ces raccourcis sont éclairants, permettent de nous expliquer, nous exprimer sans se perdre dans les détails.
Au quotidien, ceci est nécessaire afin d’effectuer des tris, de distinguer les choses, de ne pas être dissous dans un flux continu. Un flou sans début ni fin.

Le snob - de même - brandit des étiquettes,  mais à l’extrême, et sait en jouer à la perfection.
A tel point, que, prisonnier de son jeu d’étiquettes, prenant son opinion pour la vérité, ce dernier développe des côtés détestables, insupportables.  Ainsi l’attitude de Madame Verdurin, par ses exagérations, ses normes portées au paroxysme « du bon goût », son sur-jeu, nous apparait-elle mesquine, odieuse... Caricaturale. Ridicule.
Comportement artificiel dont l’aspect dérisoire procure une certaine source de réjouissance. 

Dans cette  relation avec les autres, être snob, n’est peut-être après tout,  « pas si grave »
Si le snob assume ses choix, il peut également faire, parfois, preuve d’autodérision.


Adèle Van Reeth aux Mardis de la philosophie
Bruxelles - Cercle Gaulois le 17-09-15
Photo : Virginie Le Chêne parlant

La philosophe poursuit…
Le snobisme est une manière, pas une matière.  « Une manière – ajoute-t-elle -  de jouer avec les codes sociaux qui nous est absolument nécessaire. »  De même que l’homme est irrésistiblement attiré par la société mais – tout à la fois et contradictoirement – ne cesse de vouloir se distinguer. De même que nous oscillons entre existence collective dans laquelle nous nous noyons et un besoin de singularité, le snob n’a qu’un désir : sortir de la masse. Exister par soi-même. Le pire cauchemar du snob serait de ressembler à tout le monde. Il faut qu’il paraisse tel ou tel - favorisant la distinction sur l’identité. Ainsi pousse-t-il certains faits sociologiques à l’excès. Cette dimension n’est pas superficielle. C’est une question de survie, il n’a pas le choix.
Pour reprendre Pascal, le voilà incapable de rester dans sa chambre.  Du coup, sa posture est une esquive. Son attitude un masque.

Derrière l’image frivole du snob, se cache une douleur, une détresse. Une tragédie.

Recouvrir la vérité d’une forme de voile, lui permet de vivre avec ses douleurs. C’est un vernis, un stratagème, un mécanisme, une réaction de protection du sujet.

Une façon de tenir en société.

                                              En cela sommes-nous peut-être tous des snobs* ?





Adèle Van Reeth aux Mardis de la philosophie
Bruxelles - Cercle Gaulois le 17-09-15
Photo : Virginie Le Chêne parlant




 

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Notes de bas de page



1 * : « Depuis 2007, « Les Nouveaux Chemins de la connaissance », tentent de prouver quotidiennement que la philosophie est affaire de rencontres. Rencontre avec un interlocuteur d’abord, au gré d’une discussion dont le seul but est de donner envie de penser, en invitant à questionner ce qui est déjà connu et à découvrir ce qui ne l’est pas encore. »  p 7
Adèle Van Reeth - Raphaël Enthoven – Le snobisme – Plon,  Paris 2015 – ISBN : 978-2-259-22988-3


Tweet Adèle 28 septembre : « Comme la folie, le snobisme assumé ne l’est pas ou plus. Mais mon bavardage résiste á toute définition. »

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Adèle Van Reeth aux Mardis de la philosophie
Bruxelles - Cercle Gaulois le 17-09-15
Photo : Virginie Le Chêne parlant


Adèle Van Reeth aux Mardis de la philosophie
Bruxelles - Cercle Gaulois le 17-09-15
Photo : Virginie Le Chêne parlant


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* Si le snobisme est barrière protectrice, c’est également une carapace, une cuirasse, une barrière. N’est-ce donc point un enfermement ?
A se prendre au sérieux - à l’extrême du vivant –  à se badigeonner du vernis de l’originalité, de l’éclat, à vouloir se distinguer à tout prix, ne perd-on en doute, en nuances, en sensibilité ? Le soi-même du snob ne prime-t-il pas sur le monde ?
Pour le dire autrement, le snob, s’il est sujet de philosophie, peut-il être philosophe ?

Comment distinguer une « snob attitude », petit travers développé par tout à chacun, à un moment donné, du snobisme – attitude plus récurrente, massive, généralisée ?

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Etat de snobisme avancé  ?

Le bilinguisme, un peu d'humour...




Les sérial Mythos 

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