mardi 10 novembre 2015

L'Art, une manière de respirer le monde à plein regard…



Acropole - Virginie Le Chêne parlant


Qu’est-ce qui produit l’émerveillement ? « Rend passionnant ce que l’on ne regardait plus » évoque Raphaël Enthoven 1*, brise les vitres grises du quotidien à coup de mercure de ciel ?

L’Art ?
Mais encore…
Serait-ce un voile lumineux jeté sur la pénombre du jour ?
Une technique ? Une originalité ? Un discours ?  Une méthode ? Une sensibilité ?

Une chose est sûre, l’Art s’inscrit autant dans l’ultime soubresaut d’une tranquillité ordinaire que dans les nuances arrachées aux lignes inquiètes.

Contrairement aux œuvres modernes sentant la transpiration ; laborieuses tentatives de séduction ; vaines justifications d’une raison d’être trop épicée pour ne pas masquer une limite de validité rance, l’art ne prouve rien en ce qu’il n’a rien à prouver. Aux antipodes de l’égo-selfie, c’est un accès  direct, une présence, une trouée vers le ciel, une traversée des crasses, abjections et mensonges - une manière de respirer le monde à plein regard.

« L’artiste ramène, il n’éloigne pas. Il nous rend au monde. » ajoute le philosophe dans une conférence consacrée à l’art du changement bergsonnien 1*.

Serait-il alors dénué de verni ?
Comment le mentir-vrai de l’écriture, l’invention picturale, les symphonies – des créations purement humaines, donc, complètement artificielles -  pourraient-ils constituer une parfaite adhésion au monde ?
Une forme pure ? Une sincérité renversante ? 



 Les cierges d'Oussios Loukas - Virginie Le Chêne Parlant



Telle la philosophie, l’Art produit un coup d’arrêt - sa matière directe et violente touche en plein centre le cardiaque de l’esprit. Plus étonnant encore… sa densité, sa capacité à générer une adhésion pleine et entière au sel et au souffle du monde s’inscrivent dans la durée. Etat proche de l’émerveillement – donc - n’était l’ajout du choc et de la percussion.   

A l’extrême pointe, à la légère limite de la raison, l’artiste traine sous la semelle de sa présence au monde. Dans ces instants ténus accrochés à la pierre et au silence, il est sous emprise directe – dépouillé, c’est-à-dire en pleine possession de son art et dépossédé de lui-même. L’acide de sa déraison coule à griffe ouverte tout au long des jours.
La lave de ses immenses démangeaisons coule en vagues épaisses, puis s’accumule en flaques boursouflées d’épaisseurs, ni liquide, ni solide. Ni dure, ni molle.  Etats quantiques hauts et bas à la fois, projetés
                        en symphonie douce-amère…
                        en nuance de douleur…
                                        à flan de pierre sur l’humanité lisse.

Son autisme tapissé d’idées fixes dissolve la gravité du monde en différents états des viscères.




Musique de Raphaël Imbert « Eternité douce-amère. »
Geneviève Laurenceau au violon, Raphaël Imbert au saxophone, 
Arnaud Thorette à l’alto, Johan Farjot au piano.

L’intensité au bord des paumières, l’éclat d’un essentiel condensé d’intensités…       

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1* Intermède – croisière « A la recherche du temps. » du 23 octobre 2015. Conférence « Art du changement ».



Condensation des états de lumière....


« … je me réjouis quand je contemple des choses ou des êtres merveilleux dont personne ne songe à tirer parti. » 
George Sand, 
La fée aux gros yeux.


Lasse d’entendre des inepties à courte vues et criardes, je tournais la tête vers la scène quand, tout à coup – en lieu et place du tohu-bohu-bohu habituel, je perçus une mélodie - le charme intense du piano de Benoît Chantry et de l’Oud de Ziad, livré avec douceur à la conscience de l’auditeur. 


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