dimanche 1 mai 2016

Claudie Haigneré - Remettre la science en culture avec Etienne Klein




Tous les objets du savoir provoquent des réticences, des chocs, des craintes : apprendre fait peur.
Pour les élèves en difficulté, affronter la nouveauté, aborder la plus « banale » des situations pédagogique réclame une dépense d’énergie phénoménale. Cela revient à traverser un fleuve tumultueux, hostile, plein de remous invisibles, de tourbillons potentiellement dangereux.
Ils ne manquent pas de courage, pourtant. Seulement, rien n'y fait.  Qu'ils gesticulent ou non – cela revient au même - ils boivent la tasse.

Le Philosophe Gilles Deleuze évoque dans un « cours sur Spinoza », dispensé à Vincennes, le 17 mars 1981, ce phénomène. Dans une pensée imagée, claire, subtilement poétique,  Deleuze Déclare : « Je barbote. » autrement dit, je m’échine, j’éclabousse - pour rien - ou pas grand-chose.  « Tantôt la vague me gifle, tantôt elle m’emporte… Ça, c’est des effets de choc…  Je ne connais rien aux rapports qui se composent ou qui se décomposent. Je reçois des effets de parties extrinsèques […]. Les parties qui m’appartiennent à moi sont secouées par les parties qui appartiennent à la vague […].Tantôt je rigole, tantôt je pleurniche […]. Je suis dans les affects passions… Ah, maman, la vague m’a battue […]. Ça revient exactement au même que de dire l’autre m’a fait du mal…» [1]

Incapables de flotter, les élèves se font une « raison ». Peu à peu, la résignation s’installe. En retrait, cloués sur le rivage, étrangers, spectateurs. Impuissants. Statiques. Ces derniers regardent les autres naviguer. Semblables à des grains de sable sur une plage faussement uniforme, potentiellement rugueuse. A la merci du vent et des intempéries.

Est-il dès lors est-il possible de surmonter cette "malédiction" ?

L’astrophysicienne Claudie Haigneré choisit, le temps d’une "Conversation scientifique" avec le physicien Etienne Klein de nous parler, de nous expliquer combien il est important  d'entrer en science.
Il est temps ajoute-t-elle, un frisson dans la voix de "remettre la science en culture".

On n’observe aucune angoisse chez l’astrophysicienne ayant pourtant vécu des aventures spatiales ô combien stressantes. Des vols internationaux où plus d’un aurait perdu la sérénité d’une ville en l’intervalle d’une seconde.

Cette dernière rapporte combien les futurs voyageurs dans l’espace – donc dans l’inconnu - sont préparés physiquement et psychologiquement à cette expérience. La symbiose entre confiance et maîtrise de la situation est totale.

A la question d’Etienne Klein, identique à celle de Raphaël Enthoven sur les risques, la peur de mourir qui peut en résulter, la spationaute répond : « J'avais l'impression d'être très très bien préparée à toute situation et d'avoir acquis [...] suffisamment confiance dans la technique, les équipes et dans moi-même [...] pour arriver à être capable de façon autonome à prendre des décisions[...] donc je n'ai pas eu peur [...] parce que je ne me suis pas trouvée confrontée à des situations d'inconnu [...] je pense qu'on a peur quand on est confronté à l'inconnu. J'ai à chaque fois été confrontée à des situations connues. » [2]  

Maîtriser les opérations parce qu’elles ont été mûries, pensées de longue date, opère une confiance absolue en soi-même et en l’avenir.
En résulte une impression - à tort ou à raison – de pouvoir tout maîtriser, tout contrôler, de savoir quoi faire en cas de circonstances atroces.

«  On regarde un film qui est une espèce de western [...] où l'homme [...] arrive à se sortir de situations difficiles [...]  On a tout un tas de rituels tout au long de la préparation... »

         Bien évidemment cela ne saurait se faire « seul ».
Apprendre à jouer avec les concepts, « composer » avec les éléments, apprendre à nager suppose un tiers.
Il s’agit d’acquérir, poursuit Gilles Deleuze  « un savoir-faire […]  une espèce de sens du rythme […]. La rythmicité […]. Ça se passe entre les rapports qui composent la vague, les rapports qui composent mon corps et mon habileté […]. Plonger au bon moment, je ressors au bon moment […]. J’évite la vague qui approche, ou au contraire, je m’en sers… »[1]

Autrement dit, comme l’indique Claudie Haigneré, s’agit-il de remettre « L'homme est au centre de l'aventure spatiale.[2] »,

De développer une souplesse, un rythme, une qualité de mouvement, une maîtrise  s’exprimant dans le plaisir.




[1] Gilles Deleuze,  « cours sur Spinoza », dispensé à Vincennes, le 17 mars 1981.
[2]          Objectif lune, Les nouveaux chemins de la connaissance, émission de Raphaël Enthoven du 28 septembre 2009.       



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Séance de classe.







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La conversation scientifique - Claudie Haigneré et Etienne Klein











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