mercredi 25 octobre 2017

De l’épaisseur d’un livre.


Au détour d’un instant las, quand le mirage du monde a fini par aveugler, quand le carburant du jour a brûlé sa dernière lueur, quand le plomb leste du sourire coule à pic et la fatigue ride la surface des pensées, quand – enfin - l’envie grimace et le désir demeure sur-place, restent les livres.
Pas seulement la violence des lignes dissolvant la glu - ce sécateur des mots brisant le cadenas des clôtures - pas seulement Marguerite Yourcenar et son sublime œuvre au noir où…
« Une oie égorgée criaillait dans la plume qui allait servir à tracer sur de vieux chiffons des idées qu’on croyait digne de durer toujours. »* 1 où « Les tuiles laissaient passer la brume et les incompréhensibles astres. »
Pas seulement ce glaive des mots dont la lame scalpe l’acier et heurte l’abjection de couleurs au zénith,
mais les pages… d’une œuvre comme « l’homme qui rit », la finesse d’un Victor Hugo…
Ces feuillets volants sous le segment des doigts, ce papier soufflé à l’épaisseur du temps ; Le tourbillon des fibres où les humaines déceptions craquent, tremblent et vibrent.
Subtiles touches où le frôlement est un rempart, la douceur sépia une compagne de fêlures, où le souffle de l’air chahuté par l’effeuillage habille les solitudes de présence.
 Volume invincible où l’on peut puiser, savourer, chercher, s’évader, flâner sans jamais s’égarer.


Une tablette pourrait-elle jamais remplacer les volumes des bibliothèques ?


oooooooooooooooooooooo

lundi 2 octobre 2017

Fabrice Midal – Foutez-vous la paix



                   
            Fabrice Midal et Martin Legros 3 septembre 2017- Les rencontres inattendues Tournai                        


                     Se faire plaisir.
                                            Vivre - enfin.
    
      Nous pensons tous la chose aisée tant la technique nous facilite la vie. Devons-nous nous rendre à Strasbourg, innutrition culturelle oblige, que nous voici trois heures plus loin, présents aux rencontres des Bibliothèques Idéales, satisfaits de noter d’une main alerte les échanges formulés avec doigté.
     Retour le lendemain. A l’identique. Ou presque. Carnet griffonné de paroles harponnées au flot des pensées.  Carte vidéo chargée de quelques trésors. Retenir. Partager. Ne pas perdre, vous dites-vous en relisant vos notes dans le TGV. Ecrire. Restituer l’essentiel. Ou au moins l’important, et ce, le mieux possible. Se jeter à train perdu dans l’écriture. En retenant son souffle. Peut-être en oubliant de respirer. Sûrement en omettant de tourner la tête vers la fenêtre. Négligeant les perles d’eau.  Aveugles aux cascades du sentir glissant le long des vitres… Etrange comme  la pluie court à l’horizontale quand les gouttes sont poussées par la vitesse du train.
     Pris, dans les injonctions quotidiennes de tout ce que l’on doit faire, au vrai, nous avions égaré cet autre impératif. Cette autre nécessité du « Quand commence-t-on à vivre ? », du « Quand s’autorise-t-on à être ? », ou encore du « Comment vivre ici et maintenant ? ». Heureusement, le philosophe Fabrice Midal réinterroge l’existence tout en nous invitant à voir avec l’œil de l’expérience. 
     
     Parce qu’expliquer, c’est déplier, le philosophe spécialiste de la méditation essaye de lire le monde, de l’analyser, d’en discerner non seulement les dictatures – chose somme toute assez courante -  mais, mieux, d’analyser nos auto-tyrannies.
Car contrairement aux idées reçues qui nous voudraient assujettis par autrui, nous sommes assez vaillants pour briser la paix de nos consciences, marteler nos fers  et  tordre les lignes de nos journées jusqu’à la torture. Self-made-mal de nos petites entreprises, nos auto-exploitations à forte valeur d’anxiété peuvent conquérir sans fin le territoire de nos enfers et aller assez loin dans nos capacités d’enfermement… A la maison, nous désirons recevoir les invités avec tant de soin que l’on s’en oublie soi-même. En voyage, l’injonction de vacances performantes, visiter le maximum d’endroits en un temps minimum pousse quasiment le vacancier au bord du burnout. Au travail, prisonniers, nous voilà rongés par l’injonction paradoxale de faire beaucoup en faisant mieux. Le journaliste, dans un activisme sans fin, rédige des articles où l’exigence de rapidité doit allier un objectif de perfection rendant la plume intranquille et l’esprit crispé sur le carbone de ses propres feuillets.
Plus particulièrement, Fabrice Midal analyse patiemment les intoxications au monoxyde du faire-mieux, accidents de pression, obligations maximales, courses aux impossibles, ces retours sur rentabilité, gestions es inhumanité et autres performances sans fond qui obscurcissent la vie jusqu’au black-out et compriment l’existence.
      Entrer dans le caisson de décompression afin de relâcher les tissus du soi, libérer l’oxygène du bien-être n’est pas si simple. Aussi s’agit-il, par l’intermédiaire – notamment - de la méditation, de s’autoriser à être en accord avec le monde, d’enlever la pression.
« Foutez-vous la paix », autrement dit : « Faites-vous plaisir ».  Laissez-vous être.
         Faites preuve de « Désinvolture » sans vous moquer de tout pour autant.

                      Simplement, toucher les battements de l’être.

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Fabrice Midal et Martin Legros 3 septembre 2017- Les rencontres inattendues Tournai


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Vidéo des rencontres inattendues de Tournai


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Vidéo des Bibliothèques idéales - Strasbourg - le 16 septembre 2017