mardi 19 décembre 2017

Plagiat et imitation en littérature, par Maxime Decout


Maxime Decout - 27 septembre 2017- Médiathèque du Vieux Lille

L’imitation, au fil des générations, a perdu ses lettres de noblesse. Autrefois considérée comme une étape de formation quasi obligatoire - notamment dans le domaine de l’Art où copier des heures durant des modèles de chair ou de papier constituait le passage obligé des  candidats à l’Académie - elle fait aujourd’hui l’objet de reproches, de méfiance, voire d’un rejet définitif.  Au reste, les contours de l’imitation sont très imprécis. Les confusions entre la simple allusion,  la citation, l'influence et le pastiche sont encore nombreuses.

Souvent assimilée à la reproduction du même, à la répétition d’un identique au geste prêt, au millième de la lettre, cette dernière est devenue suspecte, puis, peu à peu, s’est couverte sinon d’opprobre, au moins de mépris.
Sartre, évoque Maxime Decout, méprise ces écrivains sentant l'alcool. Nathalie Sarraute critique vertement Paul Valéry.

 De même, à l’école, ne cesse-t-on de fulminer contre l’imitation. « Arrête de regarder sur ton voisin. Élabore tes propres hypothèses.» évoque avec une régularité quasi métronomique l’enseignant pratiquant les sciences. « Madame, il triche sur moi. » remarque non moins fréquemment l’élève travaillant pourtant en groupe.  Nous le voyons, l’imitation souffre d’abord d’un amalgame redoutable, celui de sa confusion avec la copie. Laquelle étant vue comme répétition, reprise en miroir, décalque pavlovien de ce qui est comme il est, paraît être une activité stupide et stérile. Pire, à l’absence manifeste de réflexion s’ajoute le sentiment honteux de ne penser qu’au travers de l’autre, d’exister grâce à autrui, de n’avoir aucun point de vue personnel, bref, de penser par procuration. S’en suit un procès sans appel où insidieusement, l’appropriation neutre glisse vers le chapardage, la prise d’information vaut cambriolage de la propriété intellectuelle et toute tentative de comprendre de quoi il retourne frôle le vol aggravé en plagiats organisés. 



Comment défendre la pratique du pillage et de la tricherie ? Comment  considérer  l’imitation en tant qu’allier pédagogique ? Comment la valoriser comme méthode d’apprentissage ?
Dans ces conditions, peut-on encore décemment mettre en avant ses avantages ?
Dès lors, ne vaut-il pas mieux cacher, masquer, camoufler son emploi ? N’est-il point préférable d’en nier l’existence ?

Ainsi, mal vue, dévalorisée, bien que présente à de nombreux niveaux d’apprentissage, cette dernière conserve-t-elle – lorsqu’on l’exerce - une note négative ou passe-t-elle invariablement à la trappe.
Pourtant, qu’en est-il vraiment ?
Ne peut-on créer en copiant ? Ne faut-il impérativement construire avant de déconstruire ? Ne doit-on s’exercer, s’exercer et s’exercer encore ? Pratiquer toujours, jusqu’à en perdre patience, jusqu’à atteindre la parfaite maîtrise de chaque ligne, le moindre trait – en matière de dessin -, jusqu’à connaître la plus imperceptible note en matière musicale, en gros,  pour le dire autrement,  s’approprier des techniques et méthodes avant que de se lancer dans le mouvement de la création et de passer aux multiples improvisations ?
Autrement dit, faut-il bannir l’imitation ou en louer l’usage comme l’indique le philosophe Alain dans ses Propos sur l’éducation  ? Ne serait-ce point là le moyen d'entrer dans "une famille littéraire" ? William Shakespeare ne s'en est pas privé. En ce cas, où situer l’originalité d’une activité, finalement, très ancienne ?

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Maxime Decout - 27 septembre 2017- Médiathèque du Vieux Lille